Bure
Centre d'Archive EDF
Abstractions
Un bâtiment d’archives est un édifice à forte inertie, une architecture compacte et technique, souvent massive, toujours muette. Cette singularité est la base du projet de Bure, qui, face à l’impossibilité d’intégrer avec douceur le volume dans le paysage de la Meuse, prend le parti de laisser le paysage rentrer dans le volume et la nature participer spontanément à la vie et à l’expérience du Centre d’Archive EDF.
C’est son utilité qui distingue l’architecture des arts plastiques. L’architecture est habitée, vécue, et cette condition doit en fonder l’identité. Les programmes d’archives, parce qu’ils fabriquent une construction avec une fonction mais peu d’usage – une boîte opaque, surveillée par une dizaine de personnes à peine -, se situent à la lisière de cet énoncé. Dès lors, il faut explorer d’autres champs de réflexion pour en faire une architecture. Élargir le projet au-delà des limites de l’objet bâti pour l’inscrire dans un environnement physique étendu a été le préalable à la conception du centre d’archives d’EDF à Bure-Saudron (Meuse), pour que le projet transcende ses enjeux fonctionnels et fasse lieu.
Alors que le maître d’ouvrage prévoit de bâtir un édifice de plain-pied, investissant de fait une grande partie de la parcelle de 3,3 ha, il est apparu, face à l'ampleur des ressources à héberger – l’équivalent de 70 kilomètres linéaires de rayonnage –, plus judicieux de compacter la forme. Un bâtiment de cinq niveaux d'une superficie totale d’environ 7 000 m², mais de 1 400 m² au sol seulement, est mis en œuvre. Il héberge 20 magasins de 200 m² avec température et hygrométrie régulées. Si la logique fonctionnelle d’un tel choix géométrique est évidente – cela réduit sensiblement les distances parcourues par les archivistes –, il complique l’intégration du volume en découlant dans le paysage agricole qui l’accueille. Alors, à l’inverse, c’est au paysage d’y rentrer, à la nature de participer à la vie du centre d’archives. Le processus d’intégration s’effectue en remplaçant la planéité de l’enveloppe par un monde tridimensionnel où la lumière, l’ombre et la matière participent à la création d’une expérience unique. Au total, 120 000 pastilles d’inox poli miroir de 7 cm de diamètre et 1 mm d’épaisseur sont incrustées dans le bardage en béton préfabriqué couleur terre. Elles ont été disposées en fond de coffrage des panneaux de surfaçade avant coulage, afin de les aligner au nu extérieur des éléments de béton. Grâce à ce dispositif technique, la façade absorbe des éléments du paysage. Boisements, prairies, merlons, pièces d’eau, ciels, autant d’évocations du territoire de la Meuse, de dessins reconnaissables et familiers qui deviennent les motifs de l’enveloppe. Évoquant tour à tour une frondaison, une petite pluie ou une succession de nuages, la composition ne cesse d’évoluer au gré des tonalités des saisons et son effet scintillant adoucit la minéralité brute du bâtiment. C’est la géométrie simple et rationnelle de ce dernier, haut de 19 mètres, qui a permis d’imaginer un dispositif si sophistiqué, plus attractif que ceux, rudimentaires, qui habillent habituellement les entrepôts de stockage.
Cette solution technique est aussi efficace qu'esthétique. Elle assure la performance thermique et énergétique du projet grâce à l’addition de deux couches de béton (structure + parement) à l’isolation de 30 cm d’épaisseur. Enfin, la forme compacte de la construction permet de l’éloigner de la route. Le bâtiment se fait plus discret, et le vide libéré sur le terrain peut être planté et mobilisé pour le traitement des eaux de pluie. Ménageant le recul nécessaire pour apprécier le spectacle évolutif et poétique de sa façade, le centre d’archives n’est alors plus seulement destiné aux quelques gens qui y ont accès, mais à tous ceux qui le perçoivent. Et vu la géographie alentour, ces gens sont nombreux.
Client: EDF / Budget: 10.1M€ HT / Surface: 6 800 m² / Calendrier: 2007 – 2013 / Équipe: Batiserf Ingénierie (Structure), LBE (Fluide), Michel Forgue (Économie), Franck Boutté (HQE), Base (Paysage)