Nanterre
Quartier de Semi-Liberté et services pénitentiaires d'insertion des Hauts-de-Seine
Transition souple
Le centre pénitencier de Nanterre a avant tout été l’occasion de confronter cette typologie à des considérations sociétales récentes, avec l’ambition d’estomper le sentiment d’hétérotopie entre la ville et l’enclos du pénitencier. Le projet porte l’ambition de reconstruire le rapport architecture-ville à travers plusieurs formes : une façade à la place d’un mur, un espace de transition plus « souple » entre l’intérieur et l’extérieur, une volumétrie qui joue un rôle de rotule entre les différentes échelles du quartier.
À Nanterre, dans une zone urbaine hétéroclite constituée de pavillons, de grands ensembles et de bâtiments industriels, le Centre de semi-liberté (CSL) et les Services pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP) se regroupent pour former une enceinte monumentale, symbole de justice pour les Hauts-de-Seine. L'enjeu est complexe : il faut organiser sur un même site deux programmes aux fonctionnements diamétralement opposés. Le jour, le SPIP surveille les personnes placées en probation et favorise leur réinsertion sociale. La nuit, le CSL recueille dans ses cellules les condamnés en semi-liberté. Par ailleurs, en plus que de construire une image contemporaine de la justice, le projet doit mobiliser son potentiel d’urbanité pour amorcer la réinvention du territoire décousu qui l’accueille. Dans un seul geste volumétrique, le bâtiment du SPIP prolonge le front bâti des grands ensembles au sud et renforce l'angle de la rue des Acacias et du boulevard du Général Leclerc. Calé sur celui des immeubles voisins, son recul par rapport à la rue permet d’y installer les accès contrôlés. Le CSL est implanté en peigne à l’arrière de cette façade pour en préserver la confidentialité.
Depuis la rue, le bâtiment se présente comme un parallélépipède très dense, interrompu sur deux niveaux par une large ouverture de la façade qui laisse deviner au loin les constructions implantées en cœur d'îlot qui hébergent les détenus. Dans l'inconscient collectif, la prison est un mur infranchissable ; elle enferme l'individu qui n'a pour tout contact avec l'extérieur qu'un bout de ciel. Le projet met tout en œuvre pour combattre cette typologie dépassée ; il ouvre une grande fenêtre sur la ville et offre de nouvelles perspectives à l'emprisonnement. Néanmoins, pour des questions de sécurité, le besoin d'empêcher les détenus de regarder en direction de la cour de promenade a été explicitement formulé dans le cahier des charges. Formant une enceinte habitée sur rue, le SPIP s’ouvre donc exclusivement sur l’espace public et n’a aucun contact avec l’intérieur de la parcelle. Tandis que le CSL oriente les ouvertures des cellules vers des jardins à l'est de la parcelle, uniquement accessibles au personnel de maintenance. Ces espaces paysagers créent un espace tampon entre la cour de promenade et l’enceinte de la parcelle. Outre ses capacités à revêtir un certain nombre de figures propre à la rétention comme l’enceinte ou la cour centrale, l'établissement emprunte alors un langage adapté pour n'être ni tout à fait une prison, ni tout à fait un simple centre où s'organiserait la vie collective des détenus.
Le SPIP est recouvert d'une première peau composée de tôle perforée qui mime l’effet du corten® et remplit à la fois le rôle de filtre visuel et celui de protection solaire. Une deuxième façade plus épaisse, composée d’un voile porteur en béton, d’un isolant extérieur et d’une vêture métallique, assure les performances thermiques de l’enveloppe. Des volets pliants et coulissants ainsi que la variation du rythme des perforations permettent aussi d’optimiser l'apport de lumière naturelle dans les bureaux. Les façades du CSL au contact direct des détenus bénéficient de la matérialité plus robuste d'un prémur béton étanche et auto-lavable. Ce choix accompagne une stratégie durable visant à limiter les coûts d'exploitation. D'autres dispositifs sont mis en œuvre pour faire de l'établissement un exemple, comme la récupération de chaleur sur les eaux usées et sur l’air extrait et un raccordement du site à la GTB pour en faciliter la maintenance.
Client : Ministère de la Justice / Budget : 11,18 M€ HT / Surface : 3 925 m² / Calendrier : 2013 – 2019 / Équipe : Batiserf Ingénierie (Structure), Nicolas Ingénierie (Fluide), BMF (Économie), Franck Boutté (HQE)