Paris XVII
40 logements
Formes résilientes
Inspiré par l’immeuble de rapport haussmannien, le projet de la rue Saussure est une architecture réversible, capable d’évoluer et de muter facilement de logements à bureaux et inversement. Les modules de façade préfabriqués sont à la fois structure, espaces techniques, et enveloppe climatique.
Du logement au bureau, il n’y a qu’un pas. C’est la démonstration que livrent quotidiennement les immeubles haussmanniens qui bordent les avenues parisiennes. Conçues pour abriter les logements de la bourgeoisie, ces constructions se révélent être un extraordinaire exemple d’architecture générique et durable, capable d’accueillir indifféremment dans le temps des bureaux, des commerces, des ateliers, des écoles, etc. Au fondement de cette flexibilité, des caractéristiques immuables : une structure claire, une forte compacité, un rez-de-chaussée ouvert sur la rue et extensible à l’entresol, une richesse d’ouvertures et des hauteurs d’étages permettant une variété d’aménagements intérieurs. Considérer ce vocabulaire constructif comme l’héritage majeur de l’immeuble parisien libère l’imagination face au carcan que peut parfois représenter un programme d’occupation. Expérimenter redevient possible. Parce qu’elle rappelle celles des immeubles d’angle qui cadrent les îlots haussmanniens, la parcelle vouée à la construction de ces 40 logements en proue de la ZAC Clichy-Batignolles est l’occasion d’éprouver l’exemplarité de ce modèle historique face aux enjeux contemporains de l’architecture et de la ville.
Contrairement à ce que suggère la stricte composition de sa façade, le projet n’est pas une réponse figée aux besoins exprimés à un instant T. Son architecture domestique a été imaginée comme totalement mutable en bureaux. La structure – une extrusion parfaite de la parcelle – est déportée en façade et contreventée par le noyau de circulations verticales. La hauteur de dalle à dalle est agrandie à 3,20 m, valeur médiane entre celle des immeubles de logement standard (2,8 m) et celle des opérations de bureau (3,5 m). La façade est, quant à elle, tramée sur 1,35 m pour que les vitrages atteignent 2,70 m de large, soit les dimensions d’un module de bureau. Tout, depuis la configuration des niveaux jusqu’aux proportions des espaces, en passant par la régularité des ouvertures, facilite la modification des aménagements intérieurs. Cela offre également une qualité d’usage particulière aux habitations où des loggias, indéniables plus-values spatiales de 5 à 12 mq, sont percées dans la profondeur de la trame pour ménager une variété d’espaces extérieurs privatifs. Associées aux généreuses baies et à une hauteur sous plafond peu ordinaire dans le logement, cela produit des appartements spacieux où salon, chambre et cuisines sont baignés de lumière naturelle.
L’uniformisation des percements était essentielle pour ne pas connoter le projet et que l’image du bâtiment n’entrave pas l’évolutivité de son affectation. Malgré tout, des petites distinctions répondent aux différentes exigences de confort des façades sud et nord (ouvrant tout hauteur au sud ou sur allège au nord, position des baies en recul ou au nu de la façade, store extérieur ou intérieur). Par ailleurs, les choix régulateurs qui ont guidés le projet sont également la source d’une gestion raisonnée de son économie. Tramer permet de standardiser, donc de mettre en œuvre des produits de belle qualité qui participent à celle de la modénature. Le bâtiment est réalisé à partir d’une seule menuiserie en aluminium laqué noir et de trois formats de panneaux de prémurs dont les faces extérieures sont en béton poli. Enfin, pour filer la métaphore, deux élégants rubans dorés soulignent ce qu’aurait pu être l’étage noble haussmannien.
Client : ICF Novédis / Budget : 5.3M€ HT / Surface : 2 740 m² / Calendrier : 2010 – 2014 / Équipe : Bollinger-Grohmann (Structure), LBE (Fluide), JP Tohier & Associés (Économie), Franck Boutté (HQE)