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Les 10 paradoxes de l'architecture
2020
Entre crises des subprimes, tsunamis, incendies géants et épidémies, le début de ce siècle déplace les enjeux de l’architecture. Symbole de stabilité et de permanence, l’art d’édifier doit désormais composer avec un futur imprévisible. Si le XXe siècle fut celui de la prédiction, le XXIe sera celui de l’indétermination. Pour faire de cet état d’incertitude généralisée une force de projet, il nous faut observer, décrire et comprendre un monde complexe, hétérogène et contradictoire.
Cette réalité de notre monde est paradoxale et requiert chez ceux qui le transforment une capacité à accueillir le « et », c’est-à-dire à penser ensemble et d’un seul tenant des domaines, des échelles, des enjeux habituellement dissociés. Adopter le sens du paradoxe, c’est admettre que les anciennes distinctions (qui souvent étaient bien utiles pour l’analyse) nous éloignent finalement du réel. C’est une entrée dans la pensée complexe.
Forme / Indéterminé
La forme architecturale, à la différence d’autres formes de l’art, est habitée. L’architecture produit ainsi des formes ouvertes, au sens où pouvait l’entendre Umberto Eco. L’inertie de cet art de pierre, qui semble contraire à la légèreté de la vie qui le traverse, accueille dans sa permanence, la fugacité des existences humaines. Statique et potentielle, l’architecture est l’art de la forme en mouvement.
Limite / Épaisseur
La notion de limite est importante pour comprendre un art dont l’« entourement » est perçu comme l’acte originel. Le dessin de l’architecte est un dessin au trait, qui détient l’autorité de séparer le plein du vide. Sa concrétisation dans le réel organise cependant la porosité du monde, ouvre des espaces de négociation entre ce qui est d’un côté ou de l’autre. L’architecture est la définition d’une limite qui, paradoxalement, sépare et relie. L’architecture est l’art des interfaces.
Héritage / Transformation
On a tendance à associer à l’héritage une conception patrimoniale figée. Quand on parle d’architecture et d’héritage, on pense à la muséification des villes historiques, à l’inertie des politiques de protection historiques. C’est le contraire.
Le projet, par nature est une projection vers l’avenir. En architecture, hériter n’est pas une activité passive mais engage une circularité du processus conceptuel. Hériter, contextualiser, projeter, construire... Hériter, contextualiser, projeter, construire... La réception de l’héritage par l’architecte joue de cette répétition. Ce loop est constitutif de sa pratique. L’architecture, une fois édifiée, intègre l’héritage de l’œuvre à venir. L’architecture est l’art des transformations immobiles.
Commun / Autonomie
Beauté / Vérité
Technique / Disparition
Représentation / Manipulation
Risque / Responsabilité
Mémoire / Amnésie
Climat / Génération
En explorant les paradoxes de la discipline architecturale nous faisons de la recherche une tentative de conciliation complexe. Le paradoxe est cet outil logique qui nous permet de penser ensemble des réalités, en apparences, contraires.
Cet exercice de théorie générale nous amène à repenser le vocabulaire de l’architecture. Comment, en effet, réfléchir au sens de l’architecture aujourd’hui avec les mots d’hier ? Il faut remettre en cause le glossaire moderne.
Pour cela, nous avons choisi de travailler sur des couples de mots qui, mis en tension, expriment un paradoxe. Ces couples de mots engagent des idées contradictoires mais concrètes sur la discipline, la création en général et son rapport au réel : Forme / Indétermination, Limite / Épaisseur, Héritage / Transformation, Ensemble / Autonomie, Représentation / Manipulation, Technique / Disparition, Mémoire / Amnésie, Risque / Responsabilité, Beauté / Vérité.
La description écrite est essentielle mais la question de la représentation graphique est tout aussi centrale dans notre projet. Si la représentation est toujours le fait d’un auteur, si c’est une reconstruction du réel, alors la représentation est une affirmation, elle doit permettre la synthèse et le dépassement, l’analyse et le projet, l’investigation et la transmission.
Le laboratoire met à profit l’expérience de l’agence en matière d’expérimentation et de modélisation. De la même manière que le dessin et la maquette font parties intégrantes du processus architectural, le laboratoire appuie ses recherches sur une pratique du design exploratoire.
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