« Même sans des constructions somptueuses les villes peuvent apparaître belles et inspirer de la grâce. Il faut tout de même admettre qu’une belle ville est avant tout une bonne architecture »
Francesco Milizia (1781) Principes d’Architecture Civile
Le logement est la matière de la ville, il nourrit sa mémoire et son identité, il dessine sa forme et définit sa densité. Les projets de logements représentent le lien le plus lisible entre l’architecture et le caractère de la ville et confortent la relation binaire entre les constructions et l’évolution du tissu.
Chaque nouveau projet de logement pose autant de questions sur le présent et la nécessité que sur l’avenir et l’urbanité.
Dans ce cadre, où les contraintes sont souvent très marquées, il est nécessaire d’alimenter les rapports de force entre les fondements urbains et les besoin fonctionnels, entre le volume et la spatialité du plan, le langage et l’histoire. Le résultat de cette confrontation deviendra la raison d’être du projet.
Ce processus est le champ de recherche dans laquelle l’agence inscrit sa pratique, à travers une stratégie d’hybridation et de transfert qui se décline à chaque étape de la conception.Il s’agit de contaminer les formes établies, inscrites dans la mémoire collective, par de nouvelles valeurs aux potentialités décuplées.
L’histoire nous enseigne que le développement urbain a suivi des logiques qui s’enracinent dans la géographie, la sociologie, le climat, le développement économique, l’essor culturel et beaucoup d’autres domaines, et que la typologie du bâti a toujours réagi à ces conditions.
La lecture d’un type, l’analyse d’une forme permet d’extrapoler un ensemble d’informations qui constitue pour l’architecte un véritable abacus du champ des possibles.L’innovation est plus que jamais devenue le résultat d’une combinaison de phénomènes existant qui donne lieu à un phénomène nouveau. Chaque projet de l’agence témoigne à différentes échelle de ce processus.
De la typologie, à l’usage, en passant par la conception climatique ou la définition du langage et l’écriture du vocabulaire, les acquis de l’architecture sont de plus en plus amenés à migrer d’une situation à l’autre pour acquérir un nouveau sens. Les logements de Bègles synthétisent par exemple sur une trame de parking, maison individuelle et logement collectif. Leurs généreuses loggias inventent un nouveau modèle climatique à mi-chemin entre le modèle sur-isolé nordique et l’architecture à patio méditerranéenne.Le projet d’habitat participatif des Neue Terrassen s’inspire d’une typologie urbaine caractéristique de la ville de Hambourg pour l’adapter à la voiture et ainsi la faire évoluer. A Clichy-Batignolles, le vocabulaire du bureau et les structures flexibles des années 70 rencontrent les grands principes de Haussmannien.
A Clichy, c’est l’intervention d’une artiste en façade qui permet de reconstituer une mémoire collective oubliée à travers le narratif. Ce processus de contamination continue additionne donc une multitude de strates, urbaine, climatique, typologique, d’usage, linguistique. Leurs paramètres varient selon le site, le type de projet, ils s’enrichissent de son histoire mais aussi de ses potentialités pour l’avenir. Les raisons à l’origine des logements réalisés ces quarante dernières années n’ont aujourd’hui plus lieu d’être. Il faut analyser plus en amont comment le projet architectural peut faire la ville, tout en changeant les manières d’habiter pour introduire une nouvelle narration durable.